Alors que l’intelligence artificielle (IA) continue de façonner l’avenir du travail, plusieurs secteurs explorent la gestion des travailleurs par l’intelligence artificielle (GTIA) pour automatiser ou semi-automatiser des tâches telles que la planification des horaires, la répartition du travail, la surveillance des activités et l’évaluation du rendement.
L’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA) a récemment publié un rapport sur les effets potentiels de la GTIA sur la santé et la sécurité au travail.
Qu’est-ce que la gestion des travailleurs par l’intelligence artificielle ?
La GTIA utilise des systèmes numériques et des algorithmes pour recueillir des données en temps réel sur les travailleurs et leur environnement. Ces systèmes s’appuient sur des modèles d’IA pour prendre des décisions automatisées ou semi-automatisées, notamment sur l’attribution des tâches ou la charge de travail. Les décisions automatisées sont prises sans intervention humaine, tandis que les décisions semi-automatisées fournissent à un gestionnaire ou un opérateur des données en temps réel pour l’aider à prendre des décisions éclairées.
Où et comment est-elle utilisée ?
Dans de grandes entreprises européennes où le travail est principalement manuel et répétitif, des systèmes de GTIA sont utilisés pour améliorer la prévision de la demande, la planification des quarts de travail et l’affectation des tâches selon les compétences des travailleurs. Chez un fabricant italien de pièces automobiles, un système à base d’IA a permis aux opérateurs qualifiés de s’adapter aux contraintes changeantes grâce à des données en temps réel et à l’automatisation des tâches, dans le but d’accroître la productivité, de réduire le stress et d’améliorer l’équilibre travail-vie personnelle. Ailleurs, des agents conversationnels propulsés par l’IA analysent les communications pour détecter des signes de troubles de santé mentale et offrir un soutien personnalisé.
Quels sont les risques pour la santé et la sécurité ?
L’introduction de la GTIA dans une optique purement productive, sans consultation des travailleurs, peut entraîner d’importants effets physiques et psychologiques. L’IA peut intensifier le travail, accroissant la pression de performance, incitant à éviter les pauses et poussant à travailler plus vite, ce qui augmente le risque d’incidents et de troubles musculosquelettiques. Ce rythme de travail accéléré peut également générer du stress, de la fatigue et de l’épuisement professionnel, dans divers secteurs comme les services bancaires, les centres d’appels et les entrepôts. La surveillance numérique des tâches, du rythme et des horaires peut aussi donner lieu à un sentiment de perte de contrôle.
Lorsque les résultats de performance sont visibles par les pairs, la GTIA peut créer une compétition malsaine et un isolement social. La collecte de données sensibles soulève aussi des préoccupations en matière de vie privée, menant à une perte de confiance. Par ailleurs, une automatisation excessive peut réduire le recours aux capacités cognitives ou créatives des travailleurs et gestionnaires, engendrant stress et insatisfaction professionnelle.
Comment peut-elle améliorer la santé et la sécurité ?
Les données actuelles sont limitées, mais la GTIA présente certains avantages potentiels. Les données recueillies peuvent servir à concevoir des formations en santé et sécurité plus efficaces. Une meilleure correspondance entre les tâches et les compétences peut améliorer l’organisation du travail et la satisfaction professionnelle. En surveillant les conditions de travail, les systèmes numériques peuvent détecter les risques liés à la surcharge, la fatigue ou l’épuisement. Ils peuvent aussi optimiser les routines de travail pour favoriser la sécurité, le bien-être et la productivité. Comme les effets de la GTIA sont encore peu connus, les employeurs doivent en évaluer continuellement les retombées pour ajuster leurs stratégies de prévention et de protection.
Comment prévenir les dangers potentiels ?
La confiance est essentielle pour gérer les risques liés à la GTIA. Il faut tenir compte des impacts sur les travailleurs dès les premières étapes, y compris la pertinence d’adopter ou non la technologie. Impliquer les travailleurs dans les décisions, faire preuve de transparence sur la collecte et l’utilisation des données, réaliser des évaluations des risques, et offrir de l’information et de la formation sont des pratiques essentielles. Lorsque les travailleurs sentent que leur bien-être, et non seulement leur rendement, est une priorité, ils sont plus enclins à exprimer leurs préoccupations face à la pression de performance ou à l’épuisement.
Ressources
- La gestion des travailleurs par l’IA, Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA)
- Troubles musculosquelettiques – Facteurs psychosociaux, Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (CCHST)
- Mesures de promotion de la santé mentale au travail, CCHST
- Introduction de nouvelles technologies au travail, CCHST