I. LA LÉGISLATION
(a) Entrée en vigueur d'importantes modifications du Code canadien du travail
En 2024, plusieurs modifications ont été apportées au Code canadien du travail (CCT) pour les employeurs sous réglementation fédérale. D'autres changements devraient entrer en vigueur en 2025. Ces employeurs couvrent des secteurs tels que la banque, l'aviation, les télécommunications et le transport interprovincial.
Une modification importante apportée en 2024 aligne les périodes minimales de préavis légal pour les licenciements individuels sur les normes provinciales. Toutefois, le changement le plus important est prévu pour le 20 juin 2025. En effet, le projet de loi C-58 modifiant le Code canadien du travail et les règlements du Conseil des relations industrielles entre en vigueur à cette date. Ce projet de loi introduit une interdiction générale de recourir à des travailleurs de remplacement pendant les grèves ou les lock-out en élargissant la liste des personnes qui ne peuvent être utilisées comme remplaçants pour inclure les nouveaux employés, les entrepreneurs, les bénévoles, les étudiants ou les membres du public. Le non-respect de cette interdiction peut entraîner des amendes allant jusqu'à 100 000 dollars par jour.
(b) Évolution de la législation sur le lieu de travail
Au Canada, plusieurs provinces et territoires révisent la législation régissant les travailleurs syndiqués et non syndiqués et les travailleurs indépendants.
Le Manitoba a apporté les modifications les plus importantes en 2024. Celles-ci auront un impact durable sur les employeurs en 2025. Ces modifications portent sur trois domaines principaux:
- Passage à une certification automatique basée sur un système de cartes de soutien syndical.
- Interdiction du recours à des travailleurs de remplacement en cas de grève ou de lock-out. En outre, la définition des « travailleurs de remplacement » est élargie.
- Élargissement du cadre des accords sur les services essentiels afin de garantir la continuité des services en cas de conflit du travail.
Les employeurs du Manitoba devront s'attendre avec ces changements à une augmentation des demandes d'accréditation syndicale ainsi qu'à des litiges concernant la portée des unités de négociation. Les accords obligatoires sur les services essentiels poseront également des difficultés pour définir ce qui constitue des services essentiels et la manière dont ils sont maintenus pendant un conflit de travail.
Législation sur les normes d'emploi : L'Ontario continue de montrer la voie en matière de modification des normes d'emploi. Depuis 2021, la province a adopté six projets de loi dans le cadre de l'initiative « Travailler pour les travailleurs ». En 2024, trois nouvelles lois ont été adoptées, apportant des changements notables à la Loi sur les normes d'emploi (LNE) et à la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST).
Les changements notables déjà en vigueur sont les suivants :
- Élargissement de la définition de « salarié » pour couvrir les périodes d'essai.
- Nouvelles exigences en matière de gestion des congés payés et de politique des pourboires.
- Interdiction d'exiger des certificats médicaux pour les congés de maladie de courte durée.
- Augmentation des amendes maximales pour les infractions à l'ASE et à l'OHSA.
- Dispositions relatives au télétravail et au comportement en ligne dans les définitions du harcèlement au travail et du harcèlement sexuel.
D'autres changements entreront en vigueur en 2025, notamment l'introduction de deux congés de longue durée avec protection de l'emploi :
- Un long congé maladie de 27 semaines à compter du 19 juin 2025.
- Un congé pour placement d'enfant de 16 semaines (date à determiner).
Les employeurs devront également réviser leurs politiques pour se conformer aux nouvelles normes en matière de publication des offres d'emploi et de conservation des informations dont les dispositions entreront en vigueur dès le 1er juillet 2025.
(c) Transparence de la chaîne d'approvisionnement
La ratification de la Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement (la « loi sur la transparence de la chaîne d'approvisionnement ») l’an passé est un événement important pour les compagnies privées.
En adoptant cette loi, le Canada a rejoint d'autres pays pour prendre position contre la traite des êtres humains et le travail forcé dans les chaînes d'approvisionnement des entreprises. La loi oblige les entreprises concernées à soumettre un rapport annuel au plus tard le 31 mai de l'année suivante. Le non-respect de cette obligation est passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 250 000 dollars.
Les entreprises sont tenues de produire des rapports si elles :
- Produisent, vendent, distribuent des biens au Canada ou à l'étranger, importent des biens au Canada ou contrôlent une entité impliquée dans ces activités
- Sont cotées sur une bourse de valeurs canadienne, ou
- Ont un établissement au Canada, exercent des activités au Canada ou détenent des actifs au Canada et répondent à deux des trois critères suivants pour au moins l'un des deux exercices financiers les plus récents:
- 20 millions de dollars ou plus d'actifs
- 40 millions de dollars ou plus de revenus
- Une moyenne de 250 employés ou plus.
Bien que la loi n'exige pas des entreprises qu'elles élaborent des politiques spécifiques pour prévenir le travail forcé et le travail des enfants ou qu'elles forment leurs employés sur ces questions, nous prévoyons que des exigences supplémentaires plus strictes pourraient être introduites en 2025. De nombreux employeurs mettent en œuvre de manière proactive des politiques et des programmes de formation pour se conformer à la loi.
Les travailleurs indépendants
La Loi sur les droits des travailleurs de plateformes numériques de 2022, initialement votée sous l’égide de la Loi de 2022 visant à œuvrer pour les travailleurs de 2022, entre en vigueur le 1er juillet 2025. Cette loi établit de nouveaux droits pour les travailleurs occasionnels engagés dans des services tels que le covoiturage, la livraison et les services de messagerie, bien qu'elle ne s'applique pas aux services de taxi.
La réglementation prévue par cette loi stipule que tout règlement de litige, y compris l'arbitrage, entre des travailleurs indépendants et les opérateurs de plateforme, doit avoir lieu en Ontario. Notamment, cette loi ne catégorise pas les gig workers comme des employés, contrairement à des lois similaires dans d'autres provinces.
II. LES CONTENTIEUX
(a) Le travail à distance et hybride ainsi que la montée des nomades numériques
Les formules de travail à distance et hybrides continuent de gagner en popularité, ce qui pose des questions d’ordre juridique, en particulier, la question de savoir quelle loi s’applique à un travailleur à distance habitant dans une province dont le client habite dans une autre province.
Plusieurs affaires ont déjà été portées devant les tribunaux, dont une dans laquelle la Cour d'appel du Québec s'est penchée sur la question de savoir si les lois québécoises sur l'emploi s'appliquaient à un travailleur basé au Québec mais employé par une société située en dehors de la province. En 2025, les tribunaux devraient nous éclairer sur cette question et guider ainsi les employeurs dans la gestion de cette question complexe.
Les gouvernements abordent également la question du travail à distance dans le contexte de la fiscalité et des réglementations en matière de santé et de sécurité au travail. Nous nous attendons à ce que les politiques et les contrats soient continuellement adaptés à ces changements.
(b) Les cas de COVID-19
Bien que la pandémie soit terminée, ses ramifications juridiques se poursuivent. En 2024, la Cour d'appel de l'Ontario, statuant dans l'affaire Croke v. VuPoint System Ltd, a confirmé que le refus d'un employé de se conformer à une politique de vaccination obligatoire entraînait la rupture du contrat de travail. Cette décision a été favorable aux employeurs et a mis fin à une longue bataille juridique.
En outre, l’arbitre statuant dans l'affaire Oxford County v. CUPE, section 1146 a estimé que le refus d'un employé de se soumettre à un test de dépistage rapide en raison de ses convictions religieuses ne constituait pas une discrimination au titre de la politique COVID-19 de l'employeur.
Bien que le paysage juridique de COVID-19 continue d'évoluer, les employeurs peuvent afficher un optimisme prudent dans la mesure où les tribunaux et les arbitres ont fait preuve d'une approche pragmatique de ces questions en s'en remettant largement aux politiques de l'employeur dans ces périodes sans précédent.
III. LES TENDANCES
(a) L’IA sur les lieux de travail
À l’heure où la technologie de l'IA devient de plus en plus répandue sur le lieu de travail, les employeurs doivent élaborer des politiques pour répondre aux questions juridiques et pratiques uniques qu'elle présente. Ces questions comprennent les questions de propriété intellectuelle, de protection de la vie privée, de sécurité des données et d'utilisation de l'IA dans les processus d'embauche.
D'ici 2025, nous prévoyons qu'un plus grand nombre d'employeurs élaboreront des politiques en matière d'IA, se dotant en particulier de nouvelles réglementations telles que celles de l'Ontario qui exigent la transparence dans les offres d'emploi concernant le rôle de l'IA dans les décisions d'embauche. Les employeurs devraient commencer à se préparer à ces évolutions juridiques en s'assurant qu'ils ont mis en place des politiques complètes en matière d'IA.
(b) Inflation continue et revendications salariales des employés
L'inflation continuant d'influer sur le coût de la vie, les revendications salariales des employés ont suivi le mouvement. En 2024, les salaires minimums légaux ont augmenté dans la plupart des provinces et territoires au Canada. Nous nous attendons à ce que cette tendance se poursuive en 2025. Les employeurs devront se préparer à d'éventuelles augmentations salariales et à leur impact sur leur budget, d'autant plus que certaines provinces ont intégré des réévaluations annuelles dans leur législation sur le salaire minimum.
Les négociations collectives, en particulier dans les secteurs durement touchés par l'inflation, seront également soumises à une pression accrue et les conflits sociaux devraient persister dans tous les secteurs. Les employeurs devraient consulter attentivement des experts juridiques lorsqu'ils se préparent à la négociation collective et envisager des stratégies pour éviter l'échec du vote de ratification.